Image montrant un arbre en forme de coeur frappé par la foudre

Durant l’enfance, notre vision du premier amour est déjà faussée. Cela est dû, en partie, aux premiers dessins animés qui présentent la vie comme de véritables contes de fées. Qui n’a jamais entendu la phrase « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » et toutes ses déclinaisons comme « Ils vécurent heureux à jamais » …

Une éducation sentimentale grâce au petit écran

Puis nous grandissons et notre éducation sentimentale s’inspire des films et des séries télévisées. C’est du moins comme cela que s’est faite la mienne. En passionnée de télévision, je me suis abreuvée de ces aventures sentimentales pour adolescentes avant même d’en avoir l’âge. Sauvés par le gong, Dawson, Les frères Scott… J ’avais respectivement 5-6 ans, 11 ans et 16 ans lors de ma découverte de ces programmes TV. Autant dire que ce fut trois périodes différentes de ma vie, bercées par les mêmes romances lycéennes.

De l’amour en rêve chaque nuit

Chaque soir, pour m’endormir, j’avais une sorte de rituel. Afin de trouver le sommeil, je m’imaginais vivre de folles histoires d’amour avec les personnages masculins de ces séries et de bien d’autres. Je me voyais comme ces adolescentes. Tour à tour, je craquais pour Pacey Witter ou Lucas Scott, pour ne citer qu’eux. Je me rêvais en Joey Potter ou Brooke Davis. Je baignais tellement dans cette culture télévisuelle que des dizaines de visages de garçons – et d’hommes – m’accompagnaient dans mes songes. 

J’ai toujours eu une imagination débordante alors il n’était pas difficile d’en faire preuve quand je le souhaitais. Je vivais tout un tas d’aventures dans ma tête. Ces histoires inventées, j’avais essayé de les coucher sur le papier à l’époque du collège. Je n’étais pas peu fière alors d’avoir écrit deux nouvelles. L’écriture occupait une grande place dans ma vie, étant plus jeune. J’ai toujours eu envie de devenir écrivain, même si cette envie est restée à l’état de rêve.

Des rencontres imaginaires et passionnelles  

Pour en revenir  à mon rapport avec ces figures du petit écran, j’aimais la sécurité qu’ils m’apportaient. Je ne choisissais jamais de « passer du temps » avec des mauvais garçons. Je n’ai jamais été attiré par le côté sombre des choses. Il en était de même pour mes préférences fictives. J’admirais également les personnalités des personnages féminins, leur confiance en elles, leur façon d’oser, leur absence de peurs et d’angoisses. Elles étaient tout ce que je n’étais pas. À travers elles, je vivais des drames mais aussi des moments intenses, tout ce qui pour moi faisait l’essence de la vie. 

Ce que j’aimais par-dessus tout, c’était vivre dans mon esprit des rencontres amoureuses. J’allais rarement au-delà. La rencontre, le premier regard me suffisaient. J’avais des papillons dans le ventre pour quelque chose qui ne m’appartenait pas. J’ai procédé de cette manière à chacun de mes couchers pendant de nombreuses années. 

Alors oui, j’ai cru que ma vie d’adolescente serait rythmée par toutes sortes d’amourettes comme celles de mon imagination. Oui, j’ai cru que je pourrais y connaître mes premiers chagrins d’amour. Oui, j’ai cru que je rencontrerais le grand amour. Je me trompais. Je n’ai pas eu qu’un petit retard au niveau de l’amour. J’ai eu un retard gigantesque. Je n’ai connu tout ça qu’à l’âge de 29 ans.

Suis-je condamnée à être malheureuse en amour toute ma vie ?

Des études sans premier baiser

Je ne sais pas si j’ai eu une adolescence classique ou non. Comprenez par là que j’étais une jeune fille banale n’ayant jamais fait de crise d’ado, ne m’étant jamais rebellée. J’ai toujours eu des amies, même des meilleures amies mais je ne sortais pas beaucoup. À vrai dire, je ne sortais presque pas.

L’âge des complexes

Dès l’âge de 9 ans, j’ai été prise de crises d’angoisse. Ces attaques de panique se sont transformées en angoisse chronique que je traîne encore aujourd’hui. Ceci explique forcément cela. Je n’ai pas vécu ma jeunesse. Les sorties ne rythmaient pas mes week-ends. Dans mon groupe d’amis, que ce soit au collège ou au lycée, il n’y avait presque que des filles. Sans oublier que je n’étais pas jolie. L’acné était passée par là. 

Ajoutez à ça mon rôle de première de la classe qui faisait sans doute de moi une ado ennuyeuse. Vous obtenez un cocktail peu ragoûtant qui repousse les garçons. Pourtant, je voulais croire que ma vie de lycéenne pouvait ressembler à ce que je voyais à la télé. Je me disais que ça finirait bien par arriver. Je ne m’affolais pas, tout en étant spectatrice des premières aventures sentimentales de mes amies.

Une période pleine de doutes

Le temps a passé. Les années fac ont succédé aux années lycée. Il y eut de nouvelles rencontres, de nouvelles amitiés. J’aurais aimé dire des amours naissantes également. Rien ne se passa à ce niveau-là. J’ai vécu mes trois années de licence comme mes vingt années précédentes, sans petit copain. 

Même si je n’en faisais pas une obsession, cela devenait de plus en plus dur à supporter. Là où la « norme » semblait être de connaître son premier copain à 15 ans, voire plus tôt, j’abordais la vingtaine sans savoir ce que cela faisait de se faire embrasser ou d’être en couple.

Des coups de coeur à sens unique

Bien sûr, j’ai eu des coups de cœur. Je suis tombée amoureuse plusieurs fois. À vrai dire, je suis réellement tombée amoureuse trois fois. Ça aurait pu passer pour des béguins mais je vous jure que j’ai aimé ces trois garçons de tout mon cœur. 

Une ébauche du grand amour

Il y eut celui que j’ai toujours appelé mon grand amour, même si l’amour ne fut pas réciproque. Je ne me souviens même pas du jour où je me suis rendue compte que je l’aimais. C’était comme si je l’avais toujours aimé, alors que j’étais toute petite. C’était avant mes 10 ans. Il habitait dans mon immeuble et avait deux ans de plus que moi. Je me comportais comme une gamine. Dès que je l’apercevais, je ne pouvais m’empêcher de le suivre du regard. Je mettais des cartes postales dans sa boîte aux lettres pour son anniversaire. Je me renseignais auprès de ma sœur pour savoir ce qu’il aimait, cette dernière étant amie avec sa sœur à lui. Mes sentiments n’ont jamais été partagés. J’ai subi mon arrivée au collège comme un crève-cœur quand je l’ai découvert dans les bras d’une autre. Ma déception n’a fait que grandir quand, à la fin de ma 6ème, toute sa famille a déménagé à l’autre bout de la France.

Nouvelle tentative, nouvel échec 

Mon second « béguin » eut lieu au collège, quelque temps après. Cette fois-ci, j’ai fait dans le cliché en tombant amoureuse du surveillant du collège. Bien évidemment, c’était voué à l’échec. Aujourd’hui quand j’y repense, je me sens idiote d’avoir éprouvé ces sentiments pour lui, même s’ils m’avaient submergée à l’époque.

Enfin, je suis tombée amoureuse au lycée. C’était en seconde et il était dans ma classe. Un véritable coup de foudre. Inutile de préciser que le coup de foudre n’a frappé qu’une seule personne. Bilan : j’ai encore dû composer avec des sentiments forts, sans aucune réciprocité. 

Une torture, comme à chaque fois.

Après lui, je ne suis plus tombée amoureuse pendant près de 11 ans..

Et le sexe dans tout ça ? N’en déplaise à certains, le sexe dans un couple est primordial. S’il est reconnu que les hormones des mâles s’agitent à l’adolescence, qu’en est-il des femmes à la puberté ? Cela dépend sûrement des individus mais pour ma part, ce fut le cas. Sans pour autant m’obnubiler, l’envie de sexe envahissait parfois mon être. Envie d’y goûter, d’expérimenter. Envie de perdre ma virginité, pour faire comme tout le monde, pour correspondre à une norme, aux clichés véhiculés par la société. À cette époque, le plaisir solitaire a été mon allié.

Un manque essentiel à mon épanouissement

Plus j’entrais dans l’âge adulte, plus je ressentais un manque, l’impression de ne pas être « normale ». Je me sentais à part. Moi aussi, j’avais envie d’amour. J’avais besoin d’aimer et d’être aimée. Je voulais connaître tout ce que je voyais à la télé. Malgré ce désir incessant, les années défilaient sans changement dans ma vie. 

Je passais la vingtaine sans que l’on m’ait donné mon premier baiser, sans savoir ce que ça faisait d’être en couple. Souvent, y penser me rendait triste. J’avais de plus en plus la vision de moi, vieillissant seule, en véritable célibataire endurci dans une maison avec pour unique compagnie des chats. 

Comment une expérience de vie si commune, que chaque personne était amenée à vivre, pouvait-elle m’échapper, m’oublier ? Pourquoi moi ? L’image de vieille fille s’imposait davantage à moi, à mesure que le temps passait. Cette pensée devenait intolérable. J’admettais avec fatalité que je n’aurai jamais de relation. Mon avenir me paraissait morne. 

Jusqu’à ce jour où tout a changé. 

La rencontre, enfin !

Été 2017. J’avais 29 ans. Comme beaucoup de personnes, je me suis réfugiée sur les sites de rencontre. Au début, je ne faisais que parler avec cet homme. Pourquoi lui ? Il était gentil, différent des autres. Lui parler et lui accorder du temps me semblait comme une évidence. Je décidais de lui accorder ma confiance. Nous avons juste échangé sur ce site pendant quelques jours avant de passer aux mails.

Un apprivoisement tout doux  

Rapidement, sans que je m’en rende vraiment compte, nous vivions une histoire de couple à travers ces mails. Nous nous confions l’un à l’autre sur nos vies, nous nous écrivions tous les jours. Il s’est attaché le premier. Je n’arrivais pas à croire à ce qui m’arrivait. Je vivais une relation pour la première fois de ma vie, virtuelle certes, mais une relation tout de même. Un mélange de sentiments m’habitait : de l’excitation de vivre enfin ce que j’avais tellement attendu, un début d’amour mais de la peur aussi, la peur de l’inconnu. 

Aussi quand il me proposa une rencontre, j’étais tellement pétrifiée que je n’osais pas accepter. L’angoisse faisant partie de ma vie, il me paraissait inconcevable de le rencontrer en vrai. Je n’y arriverai jamais. J’avais l’impression d’avoir trop d’obstacles devant moi pour y parvenir. Voulant être la plus honnête possible, je lui avais parlé dans l’un de mes mails de mon passé, de mon stress récurrent, de mes angoisses. Il s’est montré compréhensif mais a insisté quand même pour qu’on se voit. Mes sentiments devenaient de plus en plus forts alors j’ai accepté. 

Une première fois idyllique

Pour cette première fois, nous avons tout pensé dans les moindres détails. Cela devait se faire dans un endroit que je connaissais. J’avais besoin de ça pour me rassurer. Ça nous a pris du temps pour trouver le lieu parfait et la date parfaite. Finalement nous avons choisi le 15 août. Je me sentais dans un état au-delà de l’angoisse. C’était quelque chose d’inexplicable. 

Cependant, malgré mes craintes, je me refusais à faire marche arrière. C’était bien trop important pour que je me laisse envahir par tout ce qu’il y avait de mauvais en moi. Le jour J, j’ai été obligée de mentir à mes parents (habitant encore chez eux) pour aller le retrouver. Je ne voulais pas qu’ils se fassent du souci ou qu’ils m’empêchent d’y aller. Ayant du mal à gérer mes émotions, je suis partie bien trop tôt en direction de l’endroit où devait se faire la rencontre. 

J’ai attendu impatiemment sur ce banc, qu’il arrive. 

Quelques minutes plus tard, il était là, tout aussi nerveux que moi. Je me souviendrai toujours de ce que j’ai ressenti à ce moment-là et de la première fois où il s’est avancé vers moi. Je me souviendrai toute ma vie de son sourire timide, du cadeau qu’il m’a fait et de tout ce qu’il s’est passé ce jour-là. Ce 15 août a marqué le début d’une nouvelle vie, de ma nouvelle vie. 

Après tout s’est enchaîné très vite : la rencontre avec ma famille, l’officialisation de notre couple, nos sentiments naissants qui sont devenus plus forts…

Aujourd’hui, cela fait quatre ans que nous sommes en couple. Nous habitons ensemble, avons adopté un chien et un chat, parlons bébé et mariage. Ce serait mentir que de dire que tout est rose tout le temps. Comme tous les couples, il y a des hauts et des bas. 

Cependant, jamais, même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais pensé vivre quelque chose de pareil et rencontrer l’âme sœur. En dépit de tout ce qui avait pu se passer, ou ne pas arriver par le passé, je la vivais, ma grande histoire d’amour. 

Aujourd’hui, je suis heureuse. J’ai rencontré mon prince charmant. Je vis enfin mon conte de fées.

Émilie